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La Mariette aux fraises d'Albert Anker (1831-1910) illustrait le présent article
L'enfance maltraitée : une histoire vieille comme le monde
Sur une tablette sumérienne vieille de 5000 ans, c'est-à-dire gravée au moment où les hommes inventent l'écriture, on peut lire la protestation d'un des riverains du Tigre et de l'Euphrate: "Je ne me marierai certes pas avec une fillette de trois ans, comme le font les ânes."En effet, si l'on se penche sur l'histoire de l'enfance aussi loin qu'on peut la remonter, et bien que ces sévices furent, comme ils le sont encore aujourd'hui, le secret le mieux gardé, les témoignages sont sans équivoque. Viols, incestes, enlèvements, ventes, traite, prostitution... furent autant de stations du douloureux chemin de croix que les enfants durent parcourir. Et si, toujours comme aujourd'hui, la majeure partie de ces sévices leur ont été infligés par des membres de leur famille ou par des amis ou des proches, ils furent encore les innocentes victimes de coutumes et de pratiques perverses tolérées, voire admises parl'Institution, le Pouvoir.
Mariage des enfants
Une des plus anciennes pratiques, que l'on retrouve non seulement au Proche-Orient, mais encore dans notre Occident judéo-chrétien durant l'Antiquité et le Moyen Age, concerne les mariages consommés avec des fillettes très jeunes. Quand bien même les religions juive et chrétienne recommandent aux pères de famille de ne donner leur fille en mariage qu'à partir de douze ans, certains juristes n'hésitent pas à se référer à cette ancienne coutume sémite pour autoriser un homme à consommer son mariage avec une fillette, pourvu qu'elle soit âgée de trois ans et un jour et que son père ait donné son consentement. Il faut lire à ce sujet la littérature édifiante citée dans l'ouvrage de Florence Rush, "Le secret le mieux gardé" (Denoël/Gonthier,1983). Durant l'Antiquité, men-tionnons encore la pédéras-tie, c'est-à-dire l'attirancecharnelle qu'éprouve un adul-te pour un garçon, que glori-fient et pratiquent au vu et ausu des autorités les Grecs, dudébut du Vie siècle au débutdu IVe siècle av. J.-C.
Chasse aux sorcières
Plus proche de nous, rappelons la chasse aux sorcières. Entre le XVe et le XVIIIe siècle, cette chasse, avec ses connotations sexuelles indéniables, fit des dizaines de milliers de victimes en Europe, non seulement parmi les femmes, mais aussi parmi de jeunes adolescentes et des fillettes de moins de dix ans que l'on met à la question, c'est-à-dire que l'on torture avec la plus perverse des indécences avant de les brûler. Les exemples ne manquent pas. En 1669, à Mora en Suède, les autorités firent brûler quinze enfants et condamnèrent trente-six autres, âgés de neuf à quinze ans, à être fouettés toutes les semaines pendant un an, sur le parvis de l'église. Ces autorités étaient convaincues que ces enfants étaient possédés par le démon. Quelques années plus tard, à La Haye, trois garçons de moins de quinze ans et une fillette de douze ans furent condamnés au bûcher après avoir "confessé" avoir forniqué avec le diable.
Commerce d'enfants
Plus proche de nous encore, mentionnons le commerce d'enfants et d'adolescentes qui se pratiqua sur une grande échelle au XIXe siècle en Europe et aux Etats-Unis pour fournir les maisons de passe des villes du monde entier. Ce commerce n'aurait pu avoir l'ampleur qu'il connut si les autorités et les polices des divers pays n'avaient pas fermé les yeux. "Une estimation faite à Londres au milieu du XIXe siècle arrive à la conclusion qu'environ 400 personnes gagnaient leur vie en recrutant des filles entre onze et quinze ans. Les propriétaires ou les gérants d'agences passant des annonces disant rechercher "de jolies fillettes entre douze et quinze ans pouvant être adoptées", attiraient ainsi les enfants sans travail, sans domicile et affamés, et par des leurres de ce genre, les envoyaient remplir les bordels du monde entier. Des agents, proxénètes et souteneurs de tout poil, ratissaient chaque ville, chaque quartier et même les campagnes à la recherche de leur gibier. En Angleterre et en Amérique du Nord, ils n'avaient pas de mal à trouver des proies faciles dans le flot continu d'immigrants venus d'Ecosse, d'Irlande ou d'Europe continentale; chaque année, 2000 jeunes filles arrivées à New York disparaissaient ainsi. (FlorenceRush, "Le secret le mieux gardé", p. 101.)
Prostitution enfantine
La prostitution enfantine était, elle aussi, connue et tolérée par les autorités dans notre Europe puritaine du siècle dernier. S'il faut encroire les statistiques établies dans plusieurs villes telles que Vienne, Stuttgart, Paris, à la fin du XIXe siècle, la moitié des prostituées étaient des mineures ou étaient tombées dans la prostitution alors qu'elles étaient mineures. Sans cette tolérance, jamais ce phénomène n'aurait pu connaître cette ampleur. Si ces violences à caractère sexuel, nous le savons aujourd'hui, sont les pires que les enfants peuvent endurer, ceux-ci connurent encore d'autres souffrances dont on ne parle plus guère aujourd'hui dans notre Europe, mais que des millions d'enfants dans d'autres parties du monde subissent encore aujourd'hui. En effet,ils ne furent pas seulement les malheureuses victimes de la perversité des adultes, ils furent encore les victimes de leur ignorance coupable ou non.
article de François Zosso (1996)
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Trop d enfants furent victimes d'abandon par leurs parents — à Paris, par exemple, on passe de 5000 enfants abandonnés en 1765 à 67 000 en 1809, pour atteindre le chiffre effarant de 121 000 en 1835 -. Durant l'Antiquité, aussi loin que nous trouvons des témoignages, tous les enfants, quels qu'ils soient, sont soumis au pouvoir de leur père. Ils sont sa propriété. Il peut les traiter selon son bon vouloir, agir avec eux comme avec ses autres biens.
On ne reconnaît aux enfants aucune personnalité propre. Durant des siècles, dans la plupart des civilisations, ce pouvoir est même un pouvoir absolu, c'est-à-dire un pouvoir de vie et de mort. Lorsqu'un enfant naît, c'est le père qui, souverainement, décide s'il va garder ou non en vie cet enfant. L'existence d'un enfant ne commence qu'au moment où il est reconnu officiellement par son père biologique ou adoptif. Jusqu'à cette décision, il est en sursis. Au temps de la République romaine, Cicéron( Pro Domo, 30) rappelle que le père avait non seulement le droit de vie et de mort sur ses enfants, mais qu'il avait encore le droit de les châtier à sa guise, de les faire flageller, de les condamner à l'emprisonnement, de les exclure de safamille. Ce n'est qu'au IVe siècle ap. J.-C. que l'empereur Justinien dépouille les pères de leur droit de vie et de mort sur leurs enfants.
article de François Zosso (1996)
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Evolution du prix de l'enfant d'après Françoise Dolto dans "La Cause des enfants" (Laffont,1985)
1ère époque
Les sociétés endogamiques (Sociétés dans lesquelles les membres ont l'obligation de contracter mariage à l'intérieur même de leur société). Mettre au monde un enfant (mâle), c'est servir le clan, la collectivité: assurer la relève. On verse ainsi son tribut de productivité; un apport de bras supplémentaires.
2e époque
Les sociétés exogamiques (Sociétés dans lesquelles leurs membres se marient avec des membres d'autres familles ou tribus). Le fils qui vient au monde est un cadeau à la famille qui attend un héritier mâle. L'enfant, quel que soit son sexe, est le couronnement du couple.
3e époque
Les sociétés malthusiennes (La pauvreté des classes populaires est inéluctable. Cette pauvreté ne peut que s'accentuer si la population augmente). Le coût de l'enfant est trop élevé; la classification cause trop de problèmes, d'où régulation des naissances et législation de l'avortement.
4e époque
La société de l'égoïsme collectif
L'enfant est un fardeau pour le couple et une gêne pour sa jouissance égoïste. Et comme l'Etat ne peut plus le prendre en charge... sans le soumettre à une norme unique, il n'a aucune chance d'être au monde en tant que personne.
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Déclaration de Genève 26 septembre 1924
Par la présente Déclaration des droits de l'enfant, dite déclaration de Genève, les hommes et les femmes de toutes les nations reconnaissent que l'humanité doit donner à l'enfant ce qu'elle a de meilleur, affirmant leurs devoirs, en dehors de toute considération de race, de nationalité, de croyance.
Article 1 : L’enfant doit être mis en mesure de se développer d'une façon normale, matériellement et spirituellement.
Article 2 : L’enfant qui a faim doit être nourri ; l'enfant malade doit être soigné ; l'enfant arriéré doit être encouragé ; l'enfant dévoyé doit être ramené ; l'enfant orphelin et l'abandonné doivent être recueillis et secourus.
Article 3 : L’enfant doit être le premier à recevoir des secours en cas de détresse.
Article 4 : L’enfant doit être mis en mesure de gagner sa vie et doit être protégé contre toute exploitation.
Article 5 : L’enfant doit être élevé dans le sentiment que ses meilleures qualités devront être mises au service de ses frères.
Déclaration des droits de l'enfant adoptée par l'Organisation des Nations unies le 20 novembre 1959
Considérant que, dans la Charte, les peuples des Nations unies ont proclamé à nouveau leur foi dans les droits fondamentaux de l’homme et dans la dignité et la valeur de la personne humaine, et qu’ils se sont déclarés résolus à favoriser le progrès social et à instaurer de meilleures conditions de vie dans une liberté plus grande, Considérant que, dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, les Nations unies ont proclamé que chacun peut se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés qui y sont énoncés, sans distinction aucune, notamment de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou de toute autre opinion, d’origine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation, Considérant que l’enfant, en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle, a besoin d’une protection spéciale et de soins spéciaux, notamment d’une protection juridique appropriée, avant comme après la naissance, Considérant que la nécessité de cette protection spéciale a été énoncée dans la Déclaration de Genève de 1924 sur les droits de l’enfant et reconnue dans la Déclaration universelle des droits de l’homme ainsi que dans les statuts des institutions spécialisées et des organisations internationales qui se consacrent au bien-être de l’enfance, Considérant que l’humanité se doit de donner à l’enfant le meilleur d’elle-même, L’Assemblée générale Proclame la présente Déclaration des droits de l’enfant afin qu’il ait une enfance heureuse et bénéficie, dans son intérêt comme dans l’intérêt de la société, des droits et libertés qui y sont énoncés; elle invite les parents, les hommes et les femmes à titre individuel, ainsi que les organisations bénévoles, les autorités locales et les gouvernements nationaux a reconnaître ces droits et à s’efforcer d’en assurer le respect au moyen de mesures législatives et autres adoptées progressivement en application des principes suivants :
Principe premier : L’enfant doit jouir de tous les droits énoncés dans la présente Déclaration. Ces droits doivent être reconnus à tous les enfants sans exception aucune, et sans distinction ou discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l es opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance, ou sur toute autre situation, que celle-ci s’applique à l’enfant lui-même ou à sa famille.
Principe 2 : L’enfant doit bénéficier d’une protection spéciale et se voir accorder des possibilités et des facilités par l’effet de la loi et par d’autres moyens, afin d’être en mesure de se développer d’une façon saine et normale sur le plan physique, intellectuel, moral, spirituel et social, dans des conditions de liberté et de dignité. Dans l’adoption de lois à cette fin, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être la considération déterminante.
Principe 3 : L’enfant a droit, dès sa naissance, à un nom et à une nationalité.
Principe 4 : L’enfant doit bénéficier de la sécurité sociale, il doit pouvoir grandir et se développer d’une façon saine; à cette fin, une aide et une protection spéciales doivent lui être assurées ainsi qu’à sa mère, notamment des soins prénatals et postnatals adéquats. L’enfant a droit à une alimentation, à un logement, à des loisirs et à des soins médicaux adéquats.
Principe 5 : L’enfant physiquement, mentalement ou socialement désavantagé doit recevoir le traitement, l’éducation et les soins spéciaux que nécessite son état ou sa situation.
Principe 6 : L’enfant, pour l’épanouissement harmonieux de sa personnalité, a besoin d’amour et de compréhension. Il doit, autant que possible, grandir sous la sauvegarde et sous la responsabilité de ses parents et, en tout état de cause, dans une atmosphère d’affection et de sécurité morale et matérielle; l’enfant en bas âge ne doit pas, sauf circonstances exceptionnelles, être séparé de sa mère. La société et les pouvoirs publics ont le devoir de prendre un soin particulier des enfants sans famille ou de ceux qui n’ont pas de moyens d’existence suffisants. Il est souhaitable que soient accordées aux familles nombreuses des allocations de l’État ou autres pour l’entretien des enfants.
Principe 7 : L’enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins aux niveaux élémentaires. Il doit bénéficier d’une éducation qui contribue à sa culture générale et lui permette, dans des conditions d’égalité de chances, de développer ses facultés, son jugement personnel et son sens des responsabilités morales et sociales, et de devenir un membre utile de la société. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être le guide de ceux qui ont la responsabilité de son éducation et de son orientation; cette responsabilité incombe en priorité à ses parents. L’enfant doit avoir toutes possibilités de se livrer à des jeux et à des activités récréatives, qui doivent être orientés vers les fins visées par l’éducation; la société et les pouvoirs publics doivent s’efforcer de favoriser la jouissance de ce droit.
Principe 8 : L’enfant doit, en toutes circonstances, être parmi les premiers à recevoir protection et secours.
Principe 9 : L’enfant doit être protégé contre toute forme de négligence, de cruauté et d’exploitation, il ne doit pas être soumis à la traite, sous quelque forme que ce soit. L’enfant ne doit pas être admis à l’emploi avant d’avoir atteint un âge minimum approprié; il ne doit en aucun cas être astreint ou autorisé à prendre une occupation ou un emploi qui nuise à sa santé ou à son éducation, ou qui entrave son développement physique, mental ou moral.
Principe 10 : L’enfant doit être protégé contre les pratiques qui peuvent pousser à la discrimination raciale, à la discrimination religieuse ou à toute autre forme de discrimination. Il doit être élevé dans un esprit de compréhension, de tolérance, d’amitié entre les peuples, de paix et de fraternité universelle, et dans le sentiment qu’il lui appartient de consacrer son énergie et ses talents au service de ses semblables.
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