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Les premiers colons français qui s’installèrent au dix-septième siècle à la Nouvelle-France (c’était le nom du futur Canada), venaient des provinces françaises principalement de Normandie, de Picardie et du Poitou. Ces émigrants ne parlaient évidemment pas la langue de Paris et de l’Ile-de-France,ni la langue de la Cour et de la littérature. Lorsque, à partir de 1760, le Canada fut séparé du royaume et devint possession anglaise, les colons continuèrent à parler le français, mais leur langue, coupée de celle de la France, ne suivit pas l’évolution de la nôtre.


Pour s’adapter aux inventions, aux mœurs nouvelles, le Canadien-Français dut forger des mots et des tournures nouvelles. Ce qui, en définitive, a donné une langue originale, vivante et savoureuse.

 

 

 

Voulez-vous quelques exemples de contamination du français par l’anglais : notre stylo se nomme en franco-canadien plume-fontaine, mot calqué de l’anglais fountain-pen., de même que notre porte-mine se nomme crayon automatique (automatic pencil), le cahier à feuilles mobiles… un cahier à feuilles lousses ( !) (loose-leaf), etc., etc.  

 

Mais il existe aussi, dans le langage des écoliers, des mots purement français, bien que différents de ceux dont nous usons nous-mêmes : une gomme est une efface, un taille-crayon est un affile-crayon, un plumier, un coffre. Pour ces mots-là, vous le voyez, pas besoin de traduction !
Le vocabulaire, concernant les vêtements est désigné dans certains cantons du Canada, par le mot butin. Mettre son butin du dimanche, c’est revêtit ses plus beaux habits. Et le butin de corps, expression qui s’emploie encore en Berry et en Bourgogne, est le linge de corps.

 

Hardes, qui est un mot français bien vivant, mais qui ne s’emploie plus qu’en mauvaise part et comme synonyme de guenilles, a conservé son sens noble au Canada. On dit des hardes faites, là où nous employons la locution vêtements de confection.

Regardons s’habiller un de nos amis canadiens. Dès le saut du lit, il enlève sa jaquette. Quoi, allez-vous dire, il se couche tout habillé, et en habit de cérémonie ? Non, rassurez-vous : la jaquette, c’est tout simplement… la chemise de nuit ! Sa toilette faite – il s’est donné un vigoureux coup de débarbouillette (gant de toilette) – il revêt son corps (que nous appelons gilet ou maillot de corps), puis sa blouse (ainsi s’appelle parfois la chemise au Canada), boutonne son collet (col de la chemise) et noue son col…, c’est-à-dire sa cravate. Ensuite, il enlève ses chaussettes pour mettre ses chaussons. Vous ne comprenez pas ? C’est tout simplement qu’au Canada, on appelle chaussettes ce que nous nommons chaussons ou pantoufles… et chaussons ce que nous nommons chaussettes !

 

 

 

 

Enumérer tous les canadianismes serait évidemment un peu long. Ceux qui précèdent suffisent déjà à nous montrer quelle richesse pittoresque est celle de la langue aujourd’hui parlée au Canada. Pour finir, nous citerons quelques mots conservés ou issus de l’ancien français, que nous avons perdus et qui sont encore en usage dans le français canadien. Achalant signifie ennuyeux, contrariant, importun : C’est achalant de voyager la nuit. (On retrouve la même racine dans nonchaloir, et peu me chaut.) On ne dit pas à la radio canadienne un speaker, mais un annonceur, ce qui est beaucoup plus français que notre speaker ; barrer la porte, c’est la fermer, en souvenir du temps où l’on mettait, une barre transversale derrière la porte en guise de serrure. Une bibite à patates est un doryphore. Un char, une automobile. Croche veut dire courbe, tordu, de travers. Au Canada, cet adjectif est très vivant : aller croche, aller de travers ; tête croche, mauvaise tête ; avoir des yeux croches, loucher ; avoir les pattes croches, être bancal ; la route fait un croche. Endormitoire signifie envie de dormir : l’endormitoire le prend et il s’endort. Escousse (je l’ai attendu une bonne escousse) égale une période plus ou moins longue de temps. Une frémille est une fourmi. Jongler équivaut à songer, rêver : un jongleur est un rêveur. Magasiner veut dire courir les magasins, faire des courses. Peignure égale coiffure – sur laquelle on peut mettre du sambon, autrement dit du parfum. Ressoudre veut dire arriver, survenir : aussitôt qu’il va se ressoudre, on partira. La roue, c’est le volant de la voiture, et une ruine-babines, un harmonica. On ne dit pas au Canada, un living-room, mais un vivoir, la pièce où l’on vit. Quant à pipe-line, mot anglais, les Canadiens lui ont préféré oléoduc.

 

Même lorsque la pression de l’anglais a fini par imposer des mots tirés de cette langue, les Canadiens-Français les ont bien souvent déformés à la française ; une barguine (bargain en anglais) est une occasion dans un magasin, une combine (combined en anglais) est une moissonneuse-batteuse.
L’aile de mon char est poquée (bosselée ; l’anglais pock signifie marquée de la petite vérole). Drive est devenu drave (rouler en automobile) ; meeting s’est transformé en mitaine et le peppermint en paparmane !
Ce qui prouve que la langue française au Canada est bien vivante : quand une langue résiste avec une telle verdeur aux envahissements, ce n’est pas demain ni à soir (prononcez souère) qu’elle va se défuntiser, on peut en être sûr !

 

adapté d'un article extrait du journal Tintin (1957)

 

 

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Le Québec est une province du Canada, dont la capitale est Québec et la principale métropole Montréal. Sa langue officielle est le français.

 

 

 

 

 

 

 

 

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