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PETIT FORMULAIRE PRATIQUE DES CHOSES DE L’AMOUR

 

L'amour, le plus ancien sujet littéraire du monde, a fait couler presque autant d’encre que de larmes. Il reste cependant d’une actualité aussi brûlante que les passions qu’il inspira au cours des siècles. A-t-il varié au cours des temps, au gré des époques ? Les amours tapageuses d’une star d’Hollywood et d’un prince oriental sont-elles de la même essence secrète que celles qui jetèrent dans les bras l’un de l’autre, Héloïse et Abélard, Paul et Virginie, Manon et Des Grieux ? On peut l’affirmer, et le petit mécano, guettant vers sept heures à la porte d’un grand magasin l’apparition de sa bien-aimée, connaît sans doute une angoisse semblable à celle de Roméo attendant au pied du balcon des Capulet, la chute de l’échelle de soie.

Le décor de la vie a pu se transformer, les mœurs évoluer: le tendre cœur des hommes bat toujours au rythme des mêmes émotions. Mais cette évolution des mœurs, cette transformation du décor, ont amené dans le protocole de l'amour quelques variations sensibles. N’en pas tenir compte, équivaut à se condamner d’avance soi-même au désenchantement, ou à y vouer avec certitude l’être aimé. Certes, nul ne peut prétendre codifier l’amour, et encore moins le mettre en recettes. Toutefois, devant la permanence d’un certain nombre de phénomènes constants, il n’est pas inutile de signaler, sur la carte du tendre l’existence d’un certain nombre d’écueils, plus redoutables qu’ils n’apparaissent, mais que la sagesse permet d’éviter. Souvenez-vous qu’en amour, tout comme en politique "gouverner, c’est prévoir".

 

AMITIE — L’amitié entre homme et femme n’est pas un commerce naturel ?

L’amitié entre homme et femme peut se concevoir dans l’enfance, puis dans la vieillesse. Aux autres périodes de la vie elle n’est jamais qu’une sorte de trêve, avant, ou après l’engagement amoureux, toujours fatal.

 

AVANCES. — Les hommes détestent les avances provocantes ?

Le fat, le bellâtre, y seront toujours sensibles, les considérant comme un hommage légitime. Mais on ne saurait parler d’amour à leur proops, ni à celui des femmes coutumières de telles manœuvres.

 

AVEUX. — Une femme se doit de faire l’aveu d’un amour ancien

L’honnêteté morale semblerait le commander. Mais c’est là cependant un aveu qui n’est pas sans danger. Ou bien celui qui le recevra, exultant de se voir préféré, en concevra une vanité insupportable et prendra de son pouvoir de séduction une très haute, une trop haute idée. Ou bien s’il est d’un naturel jaloux pêchant par excès contraire, nourrira ses humeurs sombres de cette confidence qui sera bientôt pour lui un perpétuel tourment.

Un homme sera plus estimable s’il reconnaît avoir déjà nourri un grand amour ? ou s’il traite de passades toutes ses amours anciennes ?

L’aveu fait par un homme d’avoir passionnément aimé une autre femme semble la garantie de sa loyauté. L’homme qui mépriserait, apparemment du moins, ses conquêtes passées. aurait au contraire toute chance d’être insincère, ce qui est grave, ou s’il disait vrai, insensible, ce qui serait plus dangereux encore.

 

BAISER. — Un baiser est-il chose grave ou frivole ?

Que celui ou celle que vous aimez l’ait accordé à un autre être, il vous apparaîtra d’une terrible gravité. Mais qu’il soit de votre fait, et le lendemain déjà, peut-être n’y songerez-vous plus...

 

CALVITIE. — Chaque cheveu qui tombe, ôte à l’homme une chance de conquête ?

Auprès des toutes jeunes filles, plus généralement séduites par la beauté physique, oui. Mais auprès d’un certain nombre de femmes, de jeunes femmes même, plus sensibles aux qualités de l’esprit, aux grâces du caractère et de l’intelligence, toutes les chances lui restent permises.

 

CELIBATAIRES. — Les célibataires vivent plus longtemps que les hommes mariés ?

Les statisticiens prétendent le contraire, assurant que l’existence organisée de l’homme marié est pour lui gage de longue vie. Mais tous les hommes mariés protesteront qu’il n’est rien comme les soucis d’un ménage pour abréger considérablement les jours de tout être normalement constitué.

 

CLAIRS DE LUNE. — Les femmes devraient toujours se défier des promenades à deux au clair de lune ?

Très certainement, si elles ont la ferme détermination de demeurer vertueuses. La douce clarté lunaire rend plus émouvants les traits du visage, plus attirantes les formes, dérobe l’audace des gestes, poétise les propos les plus banals...

 

CUISINE. — Une savoureuse cuisine est encore le plus efficace des filtres d’amour ?

Peu d’hommes, c’est certain, résistent à l’envoûtement lent du "petit plat mijoté". Mais il est faux qu’un talent de fine cuisinière suffise à enchaîner un homme à une femme. L’homme est gourmand, mais ce n’est, pas son seul défaut. Et il est pour lui d’autres plaisirs... que les plaisirs de la table !

 

DANSE. — Une femme est fatalement amoureuse de l’homme avec lequel elle préfère danser ?

Au siècle dernier, où la danse était pour les jeunes filles l’unique occasion de contact avec les hommes, la chose était souvent vraie. De nos jours, il est possible à une femme de marquer une préférence pour un cavalier sans que son cœur en soit troublé.

 

DECLARATION. — Une déclaration verbale a plus de chances d’être bien accueillie qu’une déclaration écrite ?

C’est que la parole, plus vivante, plus spontanée, a un pouvoir convaincant que souvent ne possède pas l’écrit, si brillant en soit le style de son auteur. Les mots d’amour sont faits pour être dits. Et plus encore pour être devinés.

 

DINER. — Offrir un repas fin à une femme, c’est par périphrase galante (et gourmande) lui avouer que l’on attend d’elle, le dîner fini, de plus secrètes faveurs ?

Escompter de l’effet des mets et des vins pour triompher de la vertu d’une femme semble peu honnête. Brillât-Savarin disait : "Convier quelqu’un à sa table, c’est déjà se charger de son bonheur", aussi un galant homme ne pourra faire moins que d’accorder sa conduite aux désirs de son invitée.

 

EDUCATION. — Une éducation sévère met les jeunes filles à l’abri des grandes passions ?

Au contraire, une éducation sévère, brimant les premiers élans du cœur, se trouve souvent semer dans les esprits les germes d’une passion fougueuse et irrépressible, que les jeunes filles accoutumées au flirt ou à la camaraderie amoureuse sont incapables de ressentir.

 

DON JUAN. — Une réputation de Don Juan (même usurpée) pare toujours un homme d’un certain attrait ?

Il en est bien souvent ainsi en effet,. Il faut sans doute y voir une des conséquences de l’incorrigible curiosité féminine. Mais celles qui bien étourdiment sacrifient à ce genre de curiosité, en conçoivent généralement par la suite de durables regrets.

 

ENFANCE.— Les amours entre amis d’enfance n’ont qu’une faible chance de se dénouer heureusement ?

Il faut convenir, hélas, que ces poétiques amours ont trop souvent la fragilité des constructions enfantines. Nouées en un temps où les caractères n’ont pas encore acquis tout leur relief, commandées par des affinités fugaces, elles conduisent le plus souvent à de bien amères désillusions.

 

FIDELITE. — Les femmes sont plus fidèles que les hommes ?

On le dit souvent. On le croit quelquefois. Les femmes surtout. Mais si les femmes étaient si fidèles, avec qui les hommes seraient-ils infidèles ?

 

HOMMAGES. — Les femmes détestent les hommages trop rapides, ou trop directs ?

Les femmes en effet ont en horreur les hommages décochés, tels un trait, dès le premier contact, comme une invite à capituler sur-le-champ. Elles ne détestent pas moins d’ailleurs, les hommages trop tardifs. Mais une absence totale d’hommages leur est plus insupportable encore !

 

HYPOCRISIE. — L’homme est plus comédien que la femme ?

Il est difficile de juger ; quand un homme, cessant d’aimer, masque sa variation de sentiment par un redoublement de tendresse. Il dit que c’est de la charité. Placée dans le même cas, la femme se donnera toute à son nouvel amour. Et dira que c'est de la franchise...

 

INCONDUITE. — L’exercice d’une profession est souvent pour une femme fertile en tentations ?

L’exercice d’une profession, multipliant les rencontres et les contacts avec des hommes qui jouiront d'un prestige d’autant plus grand qu’ils ne seront jamais surpris dans les attitudes quelquefois un peu humiliantes de la vie conjugale, sera en effet dangereux pour les vertus féminines.

 

LUNETTES. — Les hommes font rarement du charme aux femmes qui portent des lunettes ?

Le théâtre, puis le cinéma, où le port des lunettes est depuis toujours réservé aux personnages comiques, ont accrédité cette légende. En réalité, les porteuses de lunettes sont courtisées tout autant que les autres. Et certaines femmes même, sachant ce que les verres peuvent ajouter de vivacité au regard, en ont fait une coquetterie.'

 

MEILLERE AMIE. — une femme ne doit pas faire connaître sa "meilleure amie » à l’homme qu’elle aime ?

On dit à sa meilleure amie : "Il faut absolument que tu le connaisses !"... Mais il peut ne pas lui plaire, et vous risquez de perdre votre amie... ou bien il peut lui plaire trop, et vous risquez de les perdre tous deux!

 

OISIVETE. — L’oisiveté est un facteur déterminant d’inconduite ?

Quiconque a des loisirs cherche à les occuper d’agréable façon. Il y a bien les sports, les voyages, les musées... Mais, en réalité, pour passer le temps d'agréable façon, on n'a pas entame trouvé mieux que l’amour!

 

PHYSIQUE. — Les hommes physiquement très beaux sont-ils nécessairement volages ?

Ils le deviennent dans la mesure où ils sont sollicités. El alors ne tardent pas à adopter devant la femme qui s’offre une altitude cynique ou méprisante. Toutefois de nombreux exemples attestent qu'ils peuvent être sauvés de ce péril s’ils rencontrent, assez tôt dans leur vie. un grand amour.

Souvent, par une légère disgrâce, une femme retient plus facilement l’attention d’un homme?

Il est en effet des imperfections que la nature semble avoir semées comme un piment et sans lesquelles certaines femmes sembleraient moins attirantes. Une légère claudication, une discrète dissymétrie dans le regard, sont des éléments attractifs auxquels peu d’hommes savent rester insensibles.

 

PRINCE CHARMANT. — Les Jeunes filles prêtent-elles à l’Amour, comme le faisaient leurs grands-mères, l'idéal visage du "Prince Charmant" ?

Le temps n’est plus où les rois épousaient les bergères, mais le prince charmant n'a pas pour cela disparu. Tenacement, il continue à hanter les imaginations vagabondes des jeunes et moins jeunes filles, et le cinéma, grand pourvoyeur de rêves, lui prête selon les années les différents visages de ses jeunes premiers,

 

SAMEDI. — Le samedi, qui fut autrefois le Jour du Sabbat, est encore aujourd’hui fatal à bien des vertus ?

Plus que le vendredi, étymologiquement "jour de Vénus", le samedi est fatal aux vertus. Les sociologues, frappés de ce phénomène, le portent au compte des loisirs créés par l’instauration de la semaine anglaise, qui faciliteraient la plupart des amours illégitimes, ou simplement clandestines.

 

UNIFORME. —- A ce Jour, les cœurs féminins ne sont plus guère sensibles au prestige de l’uniforme ?

En effet Vénus semble bouder Mars. Et peut-être cela tient-il à ce que le "battle-dress" conçu pour ne pas retenir l’attention de l'ennemi, en est arrivé par sa monotonie à ne même plus retenir l'attention des belles et jeunes passantes. Mais les gardiens de la paix, les pompiers, les gardes républicains et même les facteurs, ont encore de nos jours la réputation de faire battre bien des cœurs.

 

VACANCES. — Les amours de vacances ne sont jamais que de brèves amours ?

En vacances, on joue l'amour comme on joue au ballon pour passer le temps. On croit être amoureux, très amoureux, amoureux du fond du cœur, et pour la vie... mais en réalité c'est du soleil, des vagues, d’un corps bronzé, d’une histoire inventée que l’on est amoureux !

 

VEUVES. — Une Jeune veuve sera presque toujours plus courtisée qu’une jeune fille ?

C'est exact. C’est peut-être que dans la passion qu’inspirent habituellement les jeunes veuves il entre, plus qu’on ne le croit, une part, inconsciente de fatuité. Et s'il importe de se faire aimer, il importe surtout de faire oublier le mari.

 

VIOLONS D’INGRES. — Les violons d’Ingres sont susceptibles de faire naître l’amour mais aussi de le tuer ?

Une passion commune pour la musique, la peinture, le sport ou tout autre activité, peut très certainement conduire à l’amour. Mais cette même passion risque de détruire cet amour si l’homme ne devine pas à temps, que le plus souvent il n’était, chez sa compagne qu’une défense instinctive contre la solitude et le vide de son cœur.

 

 

paru en 1952

 

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publié en 1938

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