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article publié en 1997

 

Coups de cognée au temps des paysans défricheurs

 

Aujourd'hui pratiqué surtout par des bûcherons professionnels, l'abattage du bois a longtemps été l'apanage des forces paysannes. Souvenons-nous des défricheurs qui, dans les Montagnes ou ailleurs, ont arraché patiemment à la forêt les terrains nécessaires à la culture et aux pâturages.

 

A propos de l'abattage du bois, citons Louis Hémond écrivant, dans "Maria Chapdelaine", le travail des paysans-défricheurs: "Le père Chapdelaine et son fils se postèrent en face l'un de l'autre, de chaque côté d'un arbre debout, et commencèrent à balancer en cadence leurs haches à manche de merisier. Chacun faisait d'abord une coche profonde dans le bois,frappant patiemment au même endroit pendant quelques secondes, puis la hache remontait brusquement, attaquant le tronc obliquement un pied plus haut en faisant voler à chaque coup un copeau épais comme la main et taillé dans le sens de la fibre. Quand leurs deux entailles étaient près de se rejoindre, l'un d'eux s'arrêtait et l'autre frappait plus lentement, laissant à chaque fois sa hache dans l'entaille; la lame de bois qui tenait encore arbre debout par une sorte de miracle cédait enfin, le tronc se penchait et les deux bûcherons reculaient d'un pas et le regardaient tomber, poussant un grand cri afin que chacun se gare."

 

L'outil essentiel

 

Cela se passait au Canada, il y a cent ans à peine. La hache, objet préhistorique perfectionné au cours des temps a servi comme unique outil d'abattage pendant des siècles. Le souvenir d'un vieux bûcheron capable d'abattre seul des sapins de 50 centimètres de diamètre et plus est encore bien vivant. Et le spectacle d'une hache bien conduite était fascinant; pas un coup qui ne portait à l'endroit exact de sa meilleure efficacité. Tout est dans l'affûtage, faisait comprendre Jules Leder, du Pélard mais bien sûr, même bien affûtée, la hache ne trouvait pas son chemin dans le bois toute seule!

La scie passe-partout à deux poignées est l'outil de bûcheron type de l'époque prémotorisée. Les premières, minces et larges, fortement arquées, possédaient une denture triangulaire. Plus tard, avec l'amélioration des aciers, les scies de forêt se firent plus étroites et divers types de denture — à dent de loup, à rabot — augmentèrent l'efficacité de l'outil, en particulier en permettant une évacuation plus complète de la sciure.

Comme bien d'autres travaux liés à la terre, l'abattage en forêt obéissait à un certain rituel. Travail de la morte-saison, le bûcheronnage se faisait souvent dans la neige. Arrivés à pied d'oeuvre, les bûcherons, chaudement vêtus, les jambes protégées par des bandes molletières, déposaient leurs outils; scies, haches, coins, marlins, à la base d'un des arbres condamnés pour souffler un peu. Puis, posté au pied du tronc, un des hommes recherchait la meilleure direction d'abattage, celle qui ménagerait au maximum les jeunes plantes alentour. C'est dans cette direction que se faisait l'entaille, cette encoche triangulaire qui servira de charnière lors de la chute de l'arbre. On parait ensuite la base du fût à la hache pour le rendre cylindrique. La grande scie entrait alors en scène; agenouillés de part et d'autre du tronc, deux hommes tiraient alternativement sur les poignées de l'outil engagé à l'opposé de l'entaille et quelques centimètres plus haut. Tout l'art était de faire un trait bien droit, bien horizontal. L'attention et la tension montaient à mesure que la scie approchait de l'entaille.

Suivant que le chemin de la scie s'ouvrait ou, au contraire, se tassait, on engageait ou non un coin, dont la fonction est de faire incliner le tronc dans la direction de la chute souhaitée. Quelques traits de scie faisaient approcher le dénouement final. En aucun cas il ne fallait franchir les derniers centimètres sous peine de perdre tout contrôle de la chute. Un ou deux coups de marlin sur le coin faisaient trembler le géant, qui s'abattait alors dans un grand fracas; c'était l'heure de vérité; bien conduit l'arbre gisait dans le couloir étroit qui lui était dévolu. Sinon, gare à la casse!

Le débranchage qui suivait se faisait à la hache. Toujours la même technique; attaquer le bois en triangle de manière à dégager un chemin pour la lame épaisse incapable de pénétrer de plus de quelques millimètres sans cette précaution. Débitées aux longueurs usuelles toujours à l'aide de la scie passe-partout, les billes étaient alors écorcées au pèle-bois, puis débardées par les chevaux. Pour accoupler l'attelage au billon, on se servait d'un chaillon, sorte de coin métallique enfoncé au cœur du bois et muni d'un crochet tournant. Dans les côtes, on châblait le bois à l'aide du serpi et du tourne-bois, opération pénible et dangereuse.

 

 

scie passe-partout à deux poignées

 

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